mercredi 23 juillet 2008

Rodrigues, une terre exceptionnelle pour la reproduction des tortues

mercredi 16 juillet :

matin :

le paille en queue (phaëton)

Pour me remettre à jour de mon blog, je vais essayer de me contenter de donner mon emploi du temps succinct. Je dis bien essayer car, lorsque mon clavier me démange, il aime bien que je lui caresse le dos des touches. Vous constatez d'ailleurs par vous-mêmes que c'est déjà parti ! Je vais essayer donc d'être bref !

Ce matin je vais au centre Frère Rémi de Camp du Roi. Benoît et Antoinette me déposent et vont à l'aéroport chercher un client. Verlaine a presque oublié ma venue. Je verrai trois enfants sur les 4 prévus. La jeune fille a un cousin qui doit partir de Rodrigues pour Maurice et sa famille fait une fête pour ce départ aujourd'hui. Verlaine, la directrice, part elle-même à Maurice et elle en revient juste avant le 15 août. Je ne reviendrai donc qu'après l'ordination du 15 août, cette semaine-là promettant d'être chargée pour tout le monde.
Deux des jeunes que je reçois ne souhaitent pas continuer. Ils pensent que les deux entretiens qu'ils ont eu ont suffit à répondre aux problèmes qu'ils avaient et aux questions qu'ils se posaient. Je ne suis pas certain que cela ait été aussi efficace, mais c'est leur souhait, je me contente de leur dire que je reste à leur disposition jusqu'au 8 septembre s'ils le souhaitent.

Je rentre seul et à pied à Jean Tac. J'en profite pour m'arrêter un instant voir Jean-Pierre Soussique, mais il est absent, Florian retient le chien qui n'arrête pas de gronder. Je me trouve au fond de cette vallée de Caverne Provert, celle où l'ancêtre de Le Clézio est venu à la recherche du trésor du pirate, toujours à trouver. Moi, mon trésor c'est la roche plate, peu épaisse, en forme de galette bretonne et relevée sur les bords. Cette roche encore à trouver c'est mon Graal, ma coupe des béatitudes, mon soleil de minuit, mon rocher d'Arthur à l'épée indéracinable et difficile à décrocher à moins d'être l'élu, bref, je cherche la roche impossible à obtenir. Je remonte le petit torrent à moitié à sec, ce qui est très différent d'être à moitié plein. Il est ainsi des expressions françaises curieuses qui ressembleraient à des montagnes avec un seul versant, des adrets sans ubacs, en quelque sorte. Je scrute le fond garni de roches de toutes sortes. J'en trouve beaucoup qui pourraient convenir pour faire un four à pain. C'est de la pouzzolane, me semble-t-il, mais je n'en vois aucune qui, de près ou de loin, ne puisse me convenir. Aucune qui me parle en m'adressant une supplique muette mais éloquente à laquelle je puisse répondre, dans un dialogue constructif entre le minéral et le vivant.

Vous allez me prendre pour un doux illuminé, mais, à moi, certaines choses et les roches en particulier peuvent me parler. C'est de cette façon que j'ai découvert la roche qui sert de bassin juste à l'aplomb de la petite cascade du jardin. Elle était là en 2005, à quelques cents mètres de la maison familiale des Jolicœur, sur le chemin qui mène à la route en contrebas. Tous les jours des personnes passaient devant elle, elle qui devait sans doute être là, à cette place-là, depuis des millénaires. Puis, un jour elle est sortie de son mutisme et elle m'a adressé une supplique que j'ai écoutée. Je vous traduis sa demande, car le langage d'une roche c'est rupestre, rustique, volontiers rustre et rudimentaire voire grossier, une roche mal dégrossie en somme. Globalement, elle me laissait entendre que depuis de nombreuses années, elle avait l'impression de vieillir en s'encroûtant, qu'elle s'embêtait là et qu'elle valait mieux que le rôle de pierre d'achoppement sur le chemin qu'elle occupait depuis des millénaires. Elle avait envie de se retourner et de se renouveler. Elle se voyait bien d'ailleurs faire de la représentation. Accédant à sa demande, je l'ai donc retourné et, miracle, le dessus lisse et sans originalité, cachait un intérieur riche et plein de surprises. Elle offrait à merveille, ce que je cherchais alors, et que je continue à chercher aujourd'hui pour la compléter : une surface bosselée à l'intérieur et des bords en partie relevés. Elle avait même, ce qui est très rare pour une roche, même rodriguaise, et ce qui fait sa richesse, une lignée centrale de mamelons qui la séparait en deux. J'ai donc accroché mes mains à ses mamelons, des mamelons c'est fait pour s'y accrocher, et je l'ai transbordé jusqu'au jardin de la fontaine où, maintenant elle trône et se donne en spectacle. Je la trouve même un peu cabotine parfois, mais je n'ai pas encore osé le lui dire. Tout compte fait, je ne suis pas sûr qu'elle m'entendrait.

après-midi :

Enfin tous les tuyaux du jardin sont branchés. Ce travail est fini.
Le repas du soir a lieu avec des personnes de la région nantaise, Saint Herblain, qui sont là pour participer à une session de formation des responsables de l'ACO. Alex est aussi présent et nous pouvons enfin parler plus tranquillement de son retour de France et des services que je peux lui rendre pour son ordination. Je pense que l'on peut reconnaître une véritable amitié par le fait qu'elle transcende les croyances et peut même s'en moquer.

Je disais que je ne voulais pas m'attarder en divagations inutiles mais je ne peux passer sous silence le fait qu'à la fin du repas, l'un des responsables du parc des tortues arrive pour voir Benoît. C'est un passionné de ses petites bestioles à écailles et il en parle tellement savamment et ses renseignements sont tellement intéressants que je vais essayer de vous les traduire en les résumant succinctement. Ce ne sera guère plus facile que pour le langage des roches. L'érudition intellectuelle n'est pas la même car chacun sait que l'intelligence n'est pas le fort des pierres, car si le fort est en pierre, le café l'est aussi. Ne dit-on pas c'est fort de café, comme l'on dirait c'est fort de France ! Revenons donc à nos tortues qui, elles, vagabondent beaucoup plus lentement que mon cerveau.


laisse-moi tenir ton jupon. Il suffit de passer le pont !

Benoît pense que les premières pontes des deux femelles, qu'il a en garde, n'ont rien donné, mais les œufs n'ont pas été déterrés et testés. D'après ce responsable rien n'est joué et l'incubation des œufs de tortue en pleine terre est relativement variable. Si les tortues n'ont pas choisi le sable de mer qui leur a été mis dans leur enclos c'est qu'il ne doit pas correspondre au taux d'alcalinité qu'elles recherchent. Par contre un mélange terre rodriguaise et sable de mer, rodriguais aussi d'ailleurs, devrait mieux leur convenir. Par contre ce que l'on sait c'est que plus l'incubation dure et plus il y a de chances que ce soit des mâles. De même, et concomitamment, plus il fait froid et plus les chances ont la même inclination sexuelle, si tant est que l'inclination puisse revêtir une quelconque sexualité. La pronation ou la supination de l'avant bras peut être utilisée dans un sens sexuel, L'érection, quand il ne s'agit pas de roche ou de monument peut aussi avoir cette signification. Bref je m'égare et revenons à la sexualité et à la génitalité des tortues de terre différentes des celles des tortues de mer.

Les deux cohabitent dans ce fameux parc à tortues nouvellement créé à Rodrigues avec un succès mondial inespéré. Le taux de reproduction des tortues réintroduites à Rodrigues, écrase de loin toutes les autres réussites obtenues dans d'autres pays. Rodrigues, qui fut peuplé d'innombrables tortues, lorsque la route des épices empruntait les chemins de l'école buissonnière, en franchissant le cap de Bonne Espérance, est en passe de redevenir une terre de prédilection pour les tortues qui s'y reproduisent avec un taux inégalé mondialement à ce jour. En plus du tourisme des Bird watching, verra-t-on le tourisme des "tortel" watching à Rodrigues : ces scientifiques qui font du tourisme leur travail pour observer les moeurs des oiseaux ou des animaux qu'ils étudient. Rodrigues, en dehors de toute forfanterie ou de tout cocorico à la française, se révèlerait être une terre avec des caractéristiques exceptionnelles. Reste à savoir de quelles caractéristiques il s'agit. Là encore c'est l'affaire des spécialistes et des scientifiques de le découvrir. Car les tortues, si c'est le dernier phénomène en date n'est pas le seul.

Deux ou trois autres sont déjà connus : il y a d'abord le petit limon de Rodrigues, dont les mauriciens sont friands. Certains négociants, peu scrupuleux, se chargent de l'acheter à bas prix aux paysans rodriguais pour le revendre à prix d'or à Maurice. Pourquoi me direz-vous ? Je vous entends d'ici l'objecter: "I n'iaka" – "Ben non, dame, vous répondrai-je, car je suis nantais ! I'a pa ka ! Car le même plant de limon, cultivé à Maurice, ne donne pas du tout la même qualité de limon ; le goût incomparable n'y est pas : la terre de Rodrigues, dans son essence même, est différente. Elle contient des éléments particuliers, que, vraisemblablement, les autres terres n'ont pas !

C'est la même chose pour le petit piment de Rodrigues. Comment ! Vous ne connaissez pas le petit piment de Rodrigues ! Alors accourrez vite ici, il y a encore de la place chez Benoît et Antoinette, et même ailleurs, et venez le goûter. Bon attention ! Estomacs fragiles s'abstenir, sinon vous risquez l'appel en urgence aux pompiers ou au mieux une crise tenace de hoquet. C'est sans nul doute l'un des plus forts petits piments du monde. Notre petit piment dit de Cayenne, ferait presque figure de sucrerie douceâtre à côté. Cependant certains rodriguais le croquent comme on mangerait un petit pois chez nous. Ce petit piment est une merveille. Claude Pavard, le conférencier mondialement connu, je lui en laisse l'exclusivité en toute honnêteté, recommande même la création d'une AOC mondiale, rien que pour lui. Je souscris et j'aime, mais avec encore plus de modération que l'alcool.

Ce petit piment est préparé de multiples façons, toutes meilleures les unes que les autres. Bien sûr, il peut être nature ! C'est un volcan ! Il y a aussi le piment mangue, le piment papaye, le piment cocos, le cœur de cocotier au piment, la "confiture" de piment, enfin bref tout, ou presque, est prétexte à être accompagné de piment. Tous les scientifiques, sérieux et dignes de ce nom, savent, à défaut de l'expérimenter eux-mêmes, que manger du piment est une pratique saine et excellente pour la santé. À moins d'avoir déjà une passoire anxieuse en guise d'estomac, la molécule du piment responsable de l'effet de brûlure, la fameuse capsaïcine, est la clé qui ouvre les papilles signalant la présence de chaleur. Le piment possède en même temps des propriétés bactéricides très importantes. En plus d'être bon, le piment à des vertus diététiquement préventives … vous remarquerez que je ne mâche pas mes mots !

Il n'y a que les esprits chagrins, les guindés de la fourchette, les fondamentalistes de chez Mac Do, pour objecter que le piment tue le goût de ce que l'on mange. Comme si ce que l'on mange chez les M'Do avait du goût, à part celui de ce que j'évacue, de temps en temps, dans un endroit retiré de la foule et que l'on a coutume de désigner discrètement de deux lettres sibyllines : WC.

Je vous assure que j'essaie de ne pas être long, mais il y a des raccourcis que l'on ne peut pas prendre, lorsque l'on parle de Rodrigues et de ses merveilles. C'est un peu comme mes prévisions de fin de bricolage ; il faut multiplier par trois !

la chauve souris (sossouri) de Rodrigues est une race endémique

Aucun commentaire: