dimanche 13 juillet 2008

Joyeux anniversaire Fred !

jeudi 10 juillet :



matin :

C'est aujourd'hui, l'anniversaire de Fred. Comme toujours à Rodrigues, cela va être l'occasion d'une rencontre familiale avec une fête où chacun apportera un plat à partager et un petit cadeau. Cela va faire un mois que je suis arrivé et j'ai participé à trois anniversaires et une soirée "chanson". Les rodriguais aiment se rencontrer au cours de ce genre de petites fêtes qui se passent, en "bas pié", on dirait chez nous "à la bonne franquette" dans la simplicité, la bonne humeur et qui parfois se termine en chansons.

C'est une pluie tropicale qui s'invite ce matin dans notre ciel. Impossible de travailler à la fontaine.
Assis sous la varangue, en regardant la mer à travers le rideau des gouttes d'eau, je fais les plans et je calcule les quantités de matériau dont j'ai besoin pour construire le lutrin et l'entourage du miroir qui doit être posé dans la salle de bain.

En fin de matinée, le ciel s'est dégagé et je peux retourner à la fontaine. Le "tif" que j'ai fabriqué dans un vieux seau, s'il n'est pas parfait, s'avère cependant un béton efficace pour consolider les petites "miraï" que j'ai construites ou que je consolide afin que la terre ne retombe pas dans le canal du bas, au moment des grosses pluies, comme ce matin.


après-midi :

Après une courte sieste, je décide d'aller faire une course que je voudrais rapide, chez Mirella, pour acheter un cadeau pour Fred. Je demande à Mirella ce qui peut s'offrir dans ces cas-là. Sa réponse est aussitôt "parfum pour homme", devant ma réticence elle me propose un après rasage. Va pour l'après rasage, quand elle se met à faire le paquet cadeau, j'aperçois dans un vitrine surchargée d'objets, un décapsuleur/ouvre-boîte/tire-bouchon. Je le fais ajouter au paquet et Mirella le scotch sur le flacon d'après rasage. "C'est pour ouvrir le flacon" commente un client qui, son panier plein, reste là à discuter et à commenter ce qui se passe. Effectivement, ce paquet va intriguer et faire rire les invités de Fred, au moment de l'ouverture des cadeaux.
boutique dans Port Mathurin
Sur le chemin du retour je m'arrête dire un petit bonjour à Jean-Pierre. Il m'offre un Ricoffee, c'est presque la boisson nationale des rodriguais et remplace le café qui coûte très cher ici. Je repars avec un livre de Jack London "Avant Adam" où l'auteur raconte sa double vie à travers les terribles rêves qu'il fait de son existence antérieure d'homme préhistorique.

Pourquoi en passant le pont qui franchit le torrent à sec, ai-je eu envie de descendre vers le lagon ? Sans doute, pour répondre au fait que, moi aussi dans mes rêves éveillés, j'imagine une roche plate en forme de plat recourbé sur ses bords, l'intérieur bosselé comme la roche qui existe dans la fontaine. Je voudrais trouver cette roche extraordinaire pour la glisser sous la roche existante à la façon d'une ardoise en créant ainsi une petite chute d'eau à l'effet miroitant au soleil et au doux chuintement clapotant de l'eau qui s'écoule sans perdre une seule goutte. Ah l'obsession de la fuite de l'eau ! Fuite inutile, inexorable et irrémédiable du temps, gaspillage d'énergie, perte de la matière essentielle à la vie. Peut-on être bricoleur, philosophe et mystique à la fois ?

Voilà les réflexions qui m'agitent tandis que mon œil scrute les différents amas de roche qui m'entourent en faisant attention aux trop célèbres squatters que sont les piquants loulou. Il me faut imaginer si la roche plate et ronde que je vois affleurée au sol n'est que le sommet d'un "gros la ross" ou si c'est bien "la" roche que je cherche. C'est toujours la déception, une fois celle-ci retournée ou devant l'impossibilité de la séparer du sol auquel elle adhère de toute sa conviction de roche volcanique, vomie là des milliers d'années auparavant. Je repère bien quelques roches. Certaines pourraient convenir pour le bassin de la mini chute ou convenir à d'autres endroits de ce jardin qui, maintenant, se confond avec un champ de ruines, mais aucune ne ressemble suffisamment à la roche rêvée. Il faudra que je revienne dans quelques jours les remonter une à une vers la route.

En remontant le lit du torrent sous l'épaisse et menaçante frondaison des acacias, j'arrive au pont qui enjambe la route et je me retrouve de l'autre côté. Je me souviens d'être venu là quelques années auparavant et d'avoir trouvé beau le site avec son plateau rocheux qui domine une petite chute, et des éboulis de roches que le torrent charroie au moment des très grosses pluies tropicales. J'imagine le spectacle et la joie des rodriguais devant cette abondance d'eau enfin retrouvée, même si cela entraîne quelques dégâts collatéraux. Mais aujourd'hui, rien qui n'attire le visiteur, qui pourrait avoir l'idée de rechercher un petit bijou dans un tas d'épines ? De plus, alors qu'avant de ce pont on pouvait accéder facilement à la route, c'est devenu chose impossible et je suis obligé, pour les mêmes raisons, de repartir par le même chemin pas seulement avec la tête basse des vaincus mais aussi pour éviter le sort d'Absalon. Chacun sait que devant les difficultés qu'ils ont eu à me suivre, mes cheveux ont déclaré forfait depuis longtemps en se mettant eux aussi aux gabonais absents !

Tout au fond de ce vallon, je n'entends pas le son du cor mais celui de la radio du voisin qui habite au-dessus de la résidence Foulsafat. Il doit se croire obligé de sonoriser tout le village de Jean Tac. Je suis à plus de 800 mètres de chez lui mais j'entends très distinctement sa radio qui braille à tue tête. C'est une chose qui m'a toujours étonné de la part de certains rodriguais : ils mettent le radio au niveau maximum et comme toutes les portes et les fenêtres sont toujours ouvertes toute la vallée en profite. Je me souviens en 1999, de Serge Mopti, un cinéaste venu faire un film sur Rodrigues après en avoir fait un sur l'île Maurice. Je venais pour assister à la prise de vue qu'il faisait d'un groupe de danseurs dans un village. Au moment de commencer les prises, le preneur de son a fait remarquer que le bruit tonitruant d'une radio risquait de le gêner. Et voilà Serge Mopti qui demande que l'on éteigne cette radio ou que quelqu'un aille pour demander de l'éteindre. Sourires des danseurs, personne ne bronche. Serge Mopti s'élance alors en direction du bruit pour faire le boulot lui-même, mais il revient vite bredouille. Le bruit est émis de l'autre côté de la vallée à environ 800 mètres à vol d'oiseau, mais pour y arriver il faut faire un détour de plusieurs kilomètres !

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