dimanche 13 juillet 2008

14 juillet : un carton !

mardi 8 juillet :


le village de Grand Baie

matin :

Double crise de manque : celle des cartons d'invitation pour le 14 juillet et celle des feuilles pour les faire. La situation est grave ! Benoît profite donc d'une réunion à Port Mathurin pour aller en acheter. Je profite de sa voiture pour aller faire des courses et je rentrerai par mes propres moyens ! Pedibus cum jambis disaient mes vieux professeurs de latin qui étaient de fins cuisiniers !

Je vais chez Joly Store, qui me fait un grand sourire quand il me voit. Il y a plusieurs clients et c'est "la boutique du chinois" comme on dit ici, c'est-à-dire la boutique où l'on trouve de tout dans un espace relativement restreint : des pompes pour les bracelets de montre aux pompes à vélo sans passer cependant par les pompes funèbres et autres joyeusetés. Se faire servir tient d'une psychologie très subtile dont je n'ai pas encore saisi tous les ressorts, en vente ici aussi d'ailleurs. Le patron derrière son comptoir, s'occupe de clients et commande à ses employés à un autre comptoir de servir l'un ou l'autre arrivant ; celui-ci vous sert aussitôt mais sans cesser de s'occuper de la personne qu'il était en train de servir avant vous. Et tout cela fonctionne sans cri, sans précipitation, sans revendication. Je prends un crayon à papier et une gomme, à un comptoir, deux boites de dérivation pour l'électricité et un ciseau à bois de dix millimètres de large à un autre. Je souhaiterais acheter un crayon avec une gomme enchâssée à un bout ; il y en a, le patron les sort de dessous son comptoir, mais le patron me déconseille, "ça se casse trop vite et la gomme noircit le papier plutôt que de gommer". C'est sympa de me le dire, mais à qui les vend-il alors ? Ou peut-être les a-t-il reçu sans savoir leur qualité ? En effet, s'il me les montre bien, ces crayons ne sont pas exposés à la vente ! La facture s'élève à 132 Roupies (Rs) que vous divisez par 40 pour avoir l'équivalent en Euros pour avoir une idée du coût de la vie ici.

Mais je n'ai pas tout ce que je voulais et je me souviens d'une autre boutique, toujours de chinois, plus spécialisée dans les outils et matériau de construction. Elle est plus grande que chez "Joly Store" et il y a plus de choix puisque la gamme des produits est plus spécialisée. On m'apporte sans problème la grande boite de dérivation étanche que je souhaite et une vraie mèche à bois de 10 millimètres. Chez Joly store l'employé ne pouvait me proposer qu'une mèche pour fer de cette taille. C'est 120 Rs (toujours à diviser par 40 pour … etc … ). Je ne trouve pas par contre une boite de rangement pour les clous, les vis et les autres petits objets qui traînent éparpillés à Jean Tac, dans une caisse ou, bien savamment dissimulés dans des sacs en plastique.

Dans la rue, je croise Diane, la sœur d'Antoinette et nous faisons un bout de chemin ensemble. Comme beaucoup d'autres personnes, ici en ce moment, elle traîne, depuis plusieurs jours, les problèmes d'un rhume tenace. C'est "l'hiver" ici, même si, constamment, moi, je suis en petite chemisette ou même torse nu pour travailler. Je la quitte pour aller voir à l'église de Port Mathurin le lutrin qu'Antoinette voudrait que je lui fasse. Sa construction est effectivement relativement plus simple que je ne le pensais.

Au retour un marcheur, commence par me saluer puis après un moment d'hésitation vient me serrer la main. Sur le moment, je ne comprends pas ce qu'il me dit. Sa façon de faire n'est pas habituelle ici et je veux rentrer vite. Je réponds juste "oui ! oui !" à ses paroles en créole tout en continuant à marcher. Quelques pas plus loin, après avoir essayé enfin de comprendre ce qu'il a pu me dire, je pense que les mots "cousin ... accueilli ... ", peut-être entendus, peuvent vouloir dire que c'est un cousin d'Alex. Celui-ci doit rentrer de France à Rodrigues dans quelques jours. Quelle personne impolie j'ai dû être pour lui ! Ah ces français trop pressés et méfiants !

Chez Mirella, je prends dix "sept fois" : "cela fait soixante dix" blague Mirella et je paie mes 20 Rs : 5 centimes d'euros le "sept fois". Jean-Noël un ami rodriguais, m'avait dit un jour : "ces gâteaux sont tellement bons que c'est pour cela qu'on en reprend sept fois. Ce sera toutes mes dépenses de la journée.

Je projette d'aller faire un petit bonjour à Jean-Pierre sur le chemin du retour, mais Benoît, sa réunion et des courses terminées, me rejoint juste à l'entrée de Caverne Provert où il habite. Je fais le kilomètre restant avec lui.

après-midi :

Mes problèmes de sommeil se manifestent de nouveau avec plus d'intensité passagère : je ne rate donc pas ma sieste quasi quotidienne. Comme, à Rodrigues, c'est une habitude de la faire, je fais donc comme tout le monde. Ce qui les surprend parfois c'est que la mienne soit aussi courte. Pour être vraiment en forme, je ne dois pas dormir trop longtemps, alors j'ai une petite "astuce de narco". Je demande deux choses à mon cerveau. Je lui parle, d'ailleurs souvent à mon cerveau et j'essaie de m'en faire un copain pour qu'il ne me joue pas des tours à sa façon. C'est en premier de se mettre à rêver très vite comme sait le faire tout bon petit cerveau de narco et ensuite, de me réveiller dès que je vais me mettre à rêver. Cela marche presque à tous les coups.

Je prends alors mes outils et je retourne à la fameuse fontaine, dont je ne sais toujours pas comment nous allons procéder pour la réparer et la réinstaller. Je malaxe encore le seau de "tif", humide que je crois être de la glaise, mais il doit toujours contenir trop d'impuretés. Au séchage, il donne beaucoup trop de craquelures qui s'écaillent par petites plaques. La glaise pure ne réagirait pas de cette façon. Il faudrait pourvoir tamiser davantage ce "tif" et supprimer toutes les impuretés. L'enjeu n'en vaut pas la chandelle.

Alors que je veux dégager un tuyau en plastique, devant le bassin du haut, car je ne sais pas à quoi il peut servir, Grégory qui vient de me rejoindre, comme tous les jours, me dit "c'est la lumière". Il a raison et c'est la première fois que je l'entends dire quelques mots en français. Il parle toujours créole. Je me sers de nos conversations pour savoir si je parle bien créole. Au début, il ne comprenait pas ce que je lui disais en français, alors je me suis efforcé de baragouiner - c'est normal pour un breton ! - dans "mon" créole, quand il me comprenait c'est que ma phrase était bonne. Maintenant c'est lui qui me renvoie la balle en se mettant à me dire des mots en français. L'intégration de personnes étrangères, ce n'est jamais un groupe "d'accueil" qui impose sa langue à un autre groupe "étranger" : c'est deux groupes qui s'efforcent de communiquer chacun dans la langue de l'autre. Les deux langues peuvent ainsi s'enrichir de mots nouveaux empruntés à la langue de l'autre. C'est ainsi qu'à fonctionner l'histoire et c'est ainsi qu'elle continue à le faire, malgré le souhait "totalitaire et néo-colonialiste" de certains de nos dirigeants ou hommes politiques. Cela peut se faire très lentement mais cela se fait toujours.

Devant l'ordinateur de la famille Jolicœur, j'essaie de me brancher MSN pour pouvoir communiquer en direct avec Évelyne et les enfants. Je réussis bien à créer mes adresses, mais je n'arrive pas à me connecter. Je pense que mon adresse, une fois créée, devrait apparaître dans la liste des connexions à faire, mais il ne se passe rien. J'abandonne pour ce soir.

Cette nuit, il fait beaucoup de vents et la pluie tombe en rafales sur les tôles en y jouant leur tamtam pas monotone du tout.

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