matin :
Les préparatifs pour la réception du 14 juillet ne se feront qu'au début de l'après midi. En ces temps de restriction budgétaire généralisé pour notre fête nationale, je me dis que notre bien-aimé président après avoir été qualifié de " blinkblink" risque fort de se voir attribuer le sobriquet de "Sarpagon" ! S'attaquer à la fête, symbole à travers le monde de "liberté, égalité, fraternité", après avoir augmenter son propre "salaire", cela fait peur ! C'est de la dynamite pour sa popularité.
Miraculeusement, j'ai trouvé ce qu'il me faut pour les réparations et l'installation des tuyaux de la fontaine : filasse et pâte d'étanchéité que Jacques, un ami, m'avait apporté de France en 1999. Il en reste suffisamment et c'est toujours utilisable. Je vais donc pouvoir "bricoler" des raccords étanches. Je dis bricoler, car il faut que je recreuse, avec mon inséparable couteau suisse, l'extrémité des nouveaux tuyaux plus gros et plus rigides pour y faire entrer de quelques centimètres les anciens tuyaux, plus fins, plus souples et moins solides et très souvent fendus dans le sens de la longeur, sans que cela ne se remarque à l'oeil. Je vais en faire plusieurs fois l'expérience. La prospérité capitalistique a quand même de bons côtés lorsque l'on trouve ce que l'on désire à portée de la main ou plutôt de la bourse d'ailleurs.
les trois tortues : deux mangent la troisème creusent
En fin de matinée, Greg vient chercher le pic pour son papa, qui s'occupe à nettoyer le parc des tortues et qui se met à en creuser le sol. Je vais voir ce qu'il est à faire et Fred me dit qu'il prépare de la terre meuble parce que l'une des tortues gravide est prête à pondre. Elle délaisse le tas de sable de mer, mis spécialement à leur disposition pour cela, mais la terre a été tassée et est devenue trop dure pour ce travail de fouissement. Je la vois faire plusieurs essais infructueux sur la terre dure, poussée doucement par Fred, elle parvient au-dessus de la terre ameublie et se transforme en pelleteuse. Selon la chanson de Renan Luce et, si elle pouvait avoir le choix, que choisirait-elle ? La pelle de monsieur Marcel le narco ou la pelleteuse ?
Pour le moment elle utilise la pelle que représentent successivement ses pattes arrières droite et gauche. Son travail de fouissement, que je filme, va durer plusieurs heures. Il est lent, régulier, répétitif et efficace. Pendant quelques courtes minutes, c'est la patte droite qui creuse et elle termine en amenant un petit paquet de terre à la surface sur les bords de son trou. Puis, changement immédiat de position, c'est la patte gauche qui plonge à l'intérieur d'un trou d'à peine trente centimètres de circonférence. Cela s'accompagne dans le mouvement de translation de droite à gauche fait par la carapace, de l'émission de quelques gouttes d'urine pour ramollir la terre. Ce qui peut paraître dérisoire, finit au fil des répétitions urinaires, par humidifier complètement les côtés de la petite excavation qui se creuse lentement mais sûrement.
Dommage pour mon reportage filmé, les préparatifs du 14 juillet priment sur ceux de l'observation animalière et la science éthologique. Nous devons passer à table avant de partir. Le repas finit, je retourne voir. Le trou s'est creusé mais le travail de l'infatigable pelleteuse continue. A-t-elle dormi entre temps ? Nous chargeons, bouteilles, plats et ustensiles dans le 4X4 et avant de partir je vais une dernière fois constater qu'il y a peu de chance de pouvoir assister en direct à la ponte des œufs.
C'est Grégory qui avait été le premier témoin de la première ponte et qui était venu avertir son papa. Le terrain est d'ailleurs parsemée de deux ou trois autres nids, soit dans le sable soit dans la terre elle-même. Mais jusqu'ici, les naissances se font toujours attendre. Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? D'ailleurs, ne faudrait-il pas essayer de mettre quelques uns des œufs en couveuse ? J'ai vu que Benoît à récupérer sur Internet la façon de procéder, mais jusqu'ici cela n'a pas été tenté. Il faut déterrer prudemment les œufs, marqué d'un trait de crayon le sommet de l'œuf et le placer dans la même position dans la couveuse. Contrairement aux œufs de poule, que les positions antipodiques indiffèrent, retourner les œufs de tortue, tue les petits dans l'œuf.
après-midi :
Nous faisons un premier tour en passant par la "Résidence". Ainsi est simplement appelée l'ancienne résidence du représentant de la Reine d'Angleterre. Vous la reconnaîtrez facilement, dans la rue principale de Port Mathurin, un canon, sur son fût, garde son entrée. Elle est, depuis l'indépendance, devenue un bâtiment administratif. Nous y prenons, plats et verre pour la réception de ce soir. Petit tour par la boulangerie pour prendre les baguettes de pain, fraîchement cuites qui serviront à faire les toasts de ce soir. Autre arrêt, chez une femme qui a fourré des petits pains et qu'il faut payer aussitôt.
Puis c'est l'ascension de l'interminable et unique escalier qui mène à l'Alliance Française, perchée sur son rocher en dominant le port et les rues de Port Mathurin. Le panorama est magnifique. La particularité des marches rodriguaises est la créativité qui s'exprime dans la hauteur de chaque marche. Ici pas de standardisation. Chaque marche à une infime différence près, est un modèle unique. Ceci permet de lutter contre la pernicieuse habitude de ne pas réfléchir en montant un escalier. Si vous voulez rester poli et ne pas tutoyer les marches, calculez bien leur hauteur. Cela présente un autre avantage sous les tropiques, en arrivant au sommet avec votre lourde charge, vous avez l'impression, le souffle court et les mollets cassés, de gravir les derniers dénivelés du Mont Blanc. Je peux vous le dire, moi qui en fais deux ascensions. Bon, je dois reconnaître que j'exagère un peu cependant, sinon je vais avoir droit aux remarques de vieux croutons !
Amandine est la nouvelle animatrice et responsable des lieux. Elle vient d'arriver prendre son poste depuis quelques semaines seulement. Je ne retiens que son prénom qui me fait penser à la fille d'amis et qui travaille actuellement en Pologne. Elle n'en est pas à son premier poste et elle a beaucoup voyagé à travers les pays, puisqu'elle a passée une partie de son enfance en Grèce et que, après avoir fait des études de Beaux Arts en France, son dernier travail se situait en Ukraine. Elle a appris le Russe là-bas. Elle va apprendre le créole ici.
Quelques personnes s'activent dans la décoration des lieux en accrochant les inévitables cocardes tricolores entre les photos exposées pour un concours dont le thème est l'instrument de musique et le musicien. Accordéon diatonique, bobre, triangle, boîte à rythme, bambou à trous, sont prêts pour la fête.
Quand nous revenons à Jean Tac, les deux à trois heures nécessaires à une tortue, pour préparer son nid, pondre et le reboucher sont terminées. Si nous n'avions pas été témoins de la scène c'est à peine si nous saurions qu'il y a là un nid de tortue. En effet, selon leurs habitudes, les tortues de terre, tassent bien la surface de leur nid, pour le cacher aux prédateurs éventuels. De plus, au fil des ans, elles ont l'habitude de le faire au même endroit, si elles en ont la possibilité.
La réception du soir se passe dans une ambiance bon enfant. L'Alliance Française, comme son nom le laisse à penser, est le point de rencontre des français et des amoureux de la France. Le petit mot de Benoît est très court et, presque tout le monde, écoute presque religieusement la "Marseillaise" et l'hymne mauricien qui la suit. Puis chacun continue, à boire et à manger. Le vin rouge de Bordeaux, les rillettes, le tout petit bout de camembert bien fait, juste comme il convient, sont des plats appréciés de tous. L'un d'eux, à fort accent du midi, me demande si j'ai la nostalgie de ce camembert avec le verre de Bordeaux. Ma réponse le déçoit : vacancier, je n'ai pas eu le temps d'avoir de la nostalgie !
Benoît avait apporté des disques de chanson française : Brel, Brassens, Sardou, Hughes Auffray … Quelques chansons de Brassens sont passées en tout début de soirée, mais très vite c'est la musique de l'Océan Indien qui est demandée et que Bertrand passe, dans son rôle efficace de sonorisateur de la soirée.
Je vais y rencontrer des personnes déjà connues : les participants à la soirée chanson, Nigel qui travaille à l'aéroport, Alex revenu de France et qui va habiter avant son ordination au presbytère de Saint Gabriel, son cousin Rosaire qui nous avait promené une journée dans Rodrigues et qui revient d'accompagner un groupe de danseurs rodriguais en France, Monseigneur Alain Harel qui m'a "pistonné" pour que je travaille bénévolement au centre "Frère Rémi", Jean-Claude Pierre-Louis et sa femme que j'ai rencontrés plusieurs fois au cours de mes séjours précédents et qui occupe une fonction importante dans l'administration rodriguaise. Je lui donne des nouvelles de ses tortues et je lui suggère d'appeler celle qui vient de pondre "Marianne" en souvenir du 14 juillet.
Les deux couples résidents à la Résidence Foulsafat sont là aussi, surpris et enchantés de la richesse de leur séjour à Rodrigues : ils ne s'imaginaient pas, en venant, participer à la réception du 14 juillet à l'Alliance Française. Marie-Claude, l'une des bénévoles françaises, professeur de français, au centre "Frère Rémi", est là avec son mari et ses deux filles. Elle est venue à Rodrigues en voyage, à la place de quelqu'un qui avait payé son voyage mais ne pouvait ni venir ni se désister et elle y est restée depuis. Cela se passait en 1990, la même année où nous, nous sommes venus, en famille, la première fois. C'est sans doute aussi durant la même période des vacances. Je discute avec son mari qui travaille à Orange, ex-Mauritius Télécom, des possibilités de connexion pour Internet et des difficultés rencontrées. Le passage à Orange n'est pas encore totalement terminé pour Rodrigues, il ne se fait que progressivement.
Benoît me présente à d'autres personnes et ses fonctions de consul honoraire l'accaparent. Les grands parents français qui sont venus l'autre jour à Jean Tac, sont là avec leurs petits enfants dont ils ont la charge maintenant. "Mon Père", comme on l'appelle ici, le curé de Port Mathurin est là aussi. Il vient de lui arriver une drôle d'aventure : en croquant, sans le vouloir, dans un noyau d'olive, l'une des ses dents s'est fendue en deux dans le sens de la hauteur. Dalila contre Samson ou David contre Goliath, c'est connu mais Olive contre Adam ; l'histoire n'est point narrée dans la bible. Douloureux sans doute ! Une dent en moins, mais contre qui ?
Les personnes partent progressivement : elles viennent de toute l'île, la nuit est complète depuis longtemps et demain est un jour de travail, comme aujourd'hui d'ailleurs pour les rodriguais. Les derniers résistants, demande à danser le séga, pendant que nous commençons à débarrasser les tables des restes de victuailles et que nous rechargeons dans le 4X4 le matériel. En bas, un groupe de français continue à parler avec animation au bord de la route qui monte à Mont Lubin et qui est encore relativement fréquentée à cette heure. Bertrand à quelques difficultés avec la lourdeur de sa sono qu'il a voulu porter seul en descendant les marches abruptes.
Le plateau du véhicule est encombré par les casiers et les cartons de bouteilles et le matériel de sono. Il faut encore y mettre les personnes : les cinq personnes de la famille Jolicœur, Fred, Linda et leur fils Grégory, un copain de David. Amandine est là, un peu inquiète devant tant de monde ; Benoît vient de lui dire, qu'il pouvait la déposer à son domicile sur la route du retour. Benoît conduit, femmes et enfant occupent les sièges à l'avant et les autres hommes grimpent sur le plateau arrière. Face à nous, le lagon s'étale éclairé faiblement par quelques balises lumineuses pour guider les bateaux vers le port. Nous partons ! Nous sommes six à nous tenir comme nous pouvons aux rebords. Fred pour sa part s'est assis sur l'habitacle, le dos au sens de la marche et les pieds sur les baffles de la sono. Benoît conduit prudemment, nous ne sommes pas dans un rodéo ! Après avoir quitté la route qui longe le lagon le 4X4 grimpe vers Terres Rouges pour y déposer Amandine.
1 commentaire:
Notre président ; ce n'est point "Blinkblink" qu'il a été surnommé par l'hebdomadaire Marianne (en premier) mais : "Bling Bling"... Rapport avec les montres !
Je remarque que chez les tortues : deux mangent pendant qu'une creusent. Charmante espèce... Chez nous, dans nos sociétés, trois cents personnes trimes pour qu'un PDG s'empiffre.
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