mardi 17 juin 2008

Réunion à Camp du Roi. L'arrow Root ?


Lundi 15 mai 2008

Avec Antoinette, je me rends à Camp du Roi : un centre d'aide à des jeunes en difficultés scolaires, familiales, sociales et professionnelles. J'ai déjà rencontré plusieurs fois Verlaine la directrice. Elle souhaite, avec son équipe d'animateurs, réfléchir aux difficultés qu'ils constatent dans l'accompagnement de ces jeunes en difficultés, familiales, sociales et professionnelles. Elle aussi, ce qui l'anime est sa foi religieuse. Antoinette y donne, bénévolement, des cours de mathématiques. Une autre française de la Réunion, dont le mari travaille à Port Mathurin pour Orange, donne, elle aussi bénévolement, des cours de français. Deux jeunes hommes donnent les cours pratiques d'agriculture (prononcez agrikiltir, car ici tous les "U" français se transforment en "I" créoles.)

Assis sous une varangue, entourée de fleurs et de plantations du centre, Verlaine présente tous les profils des jeunes avec leurs difficultés puis nous discutons de ce qui pose problème à l'équipe. À ses dires, les difficultés vont en croissant au cours des années en particulier en ce qui concerne la discipline et le respect des règles. Il me semble que, ce qui pose problème et dont il faudrait pouvoir discuter davantage, c'est la dissonance éprouvée par ces jeunes entre le laisser-aller souvent vécu dans le milieu familial et les règles qu'ils ont pourtant choisis de respecter en s'inscrivant au centre. Qui suivre et qui a raison ? Cette question récurrente les met en difficulté personnelles. Il faudrait pouvoir travailler davantage les relations entre les parents et le centre mais pour des raisons de pauvreté et de coût de déplacement, les parents qui habitent les différents coins de l'île ne sont réunis à Port Mathurin qu'une fois par trimestre. Comment améliorer cette fréquence ?

L'équipe a l'habitude de réfléchir à son travail et est en demande de formation pour tout ce qui touche la psychologie de l'adolescent en difficulté. Après le travail manuel, voici le travail intellectuel ! Je repars avec une première intervention à faire dès vendredi matin prochain auprès des parents dont ce sera l'une des réunions trimestrielles. Je ne serai pas le seul intervenant extérieur au centre et je compte discuter avec eux de la façon dont les règles sociales sont posées et respectées chez eux par les jeunes. Le conflit et l'opposition sont constructeurs selon la façon dont ils sont résolus par chacun. Le laisser-aller, lui, peut être déstructurant pour eux. Comment faire comprendre, simplement, tout cela à des parents qui sont eux-mêmes en difficultés ?

Cet après-midi "promenade" a dit Benoît.....
D'abord Mont Lubin pour récupérer son montage vidéo qui ne fonctionne pas bien. Il a un autre DVD, vérifié celui-là. Puis direction chez un rodriguais qui est fonctionnaire et qui cultive, en plus, de l'arrowRoot. C'est une plante à racine beaucoup cultivé avant à Rodrigues et dont lui voudrait relancer l'exploitation avec plusieurs objectifs dont l'un étant que c'est une plante, productive, qui pousse facilement sans engrais avec peu d'eau, etc...Bonne pour la nourriture humaine et pour la nourriture des cochons. Pour se consommer cette racine doit être transformer en farine et le processus prend un certain temps : mouillage et séchange, même en plein soleil, sont parfois long à obtenir.




Benoit, qui ne savait pas trop quoi penser, au début, est maintenant convaincu par l'entretien avec cet homme. Il souhaite donc en faire un reportage, mais cela ne se fera qu'à certaines conditions. J'ai filmé tout le temps de l'interview, mais c'est plus pour pouvoir reprendre les éléments de l'entretien. A cause des alizés qui soufflent très fort aujourd'hui, je ne pourrai rien entendre de ce qui se dit.

Puis nous nous arrêtons, au bord de la route de Dans Bébé, pour descendre 500 mètres plus bas dans la vallée, voir le père d'Antoinette, un solide paysan rodriguais que le travail de la terre semble protéger des atteintes du temps et qui est la mémoire vive de la famille Bégué et de son histoire. Elle est connue dans Rodrigues et il m'a raconté un jour comment cela s'est passé pour lui.

Quand la décision fut prise de construire la grande église de Saint Gabriel, la plus grande de l'Océan Indien dit-on, il fallut récupérer les terres du gouvernement à l'habitant de l'endroit qui la cultivait. C'était l'aïeul des Bégué. Dans un esprit colonialiste, et sans doute un peu condescendant, à l'égard de ce "brave paysan" que l'on a dû penser sans grande ambition, l'administration pour le convaincre de partir de "sa terre" lui proposa en échange de devenir propriétaire d'autant de terrains du gouvernement disponibles qu'il voudrait bien choisir librement. Parole donnée, cochon qui s'en dédie ! L'aïeul des Bégué choisit donc librement. Peut-être aurait-il pu choisir toutes les terres disponibles de l'île Rodrigues ? C'était l'époque où les hommes et la nature respectait à la lettre les consignes de la bible : "croissez et multipliez vous !" Rodrigues n'était-elle pas considérée comme son paradis terrestre !

Pensant à sa nombreuse famille, ce paysan plus malin, plus rusé, plus madré, plus prévoyant, plus calculateur que ne le pouvait concevoir, dans leur esprit prétendument supérieur, ces messieurs de l'église et du gouvernement, choisit un immense terrain dans l'une des plus belles vallées de Rodrigues, la région de Grand Baie. Je ne ferai pas de jeu de mots. Ces terres, sont nommées les "terrains Bégué" à Rodrigues.

Le père d'Antoinette était jeune à cette époque d'avant la guerre mondiale de 39-45, lui aussi possédait la même ambition que son père. La guerre lui en offrit le moyen. Enrôlés par les nations en guerre, comme beaucoup d'autres groupes d'hommes, africains, malgaches, bretons, pour servir de "chair à canons" selon l'expression méprisante des militaires, les rodriguais servirent, eux, dans l'armée anglaise. La guerre terminée, beaucoup de rodriguais survivants, repartirent aussitôt dans leur île, dès que l'occasion leur en fut donnée. Le père d'Antoinette resta encore dans l'armée, le temps suffisant pour amasser par sa paye dont il ne dépensait que très peu, la somme suffisante pour acheter le maximum de terre qu'il pourrait acquérir au moment du partage de l'héritage. C'est ainsi que la Résidence Foulsafat et sa ferme familiale se trouve situé sur ces terrains Bégué.

Avec ma famille, nous avions vu cet endroit, en nous rendant à Grand Baie, lors de notre premier séjour à Rodrigues en juillet 1990. Ce n'était encore qu'un immense terrain nu, sans plantation, sans habitation, qui nous avait fait penser, alors, à la désolation des Monts d'Arrhée en Bretagne. La grande sécheresse de 1976 était passée par là et Rodrigues continuait d'en panser les plaies douloureuses et traumatisantes. Benoît et Antoinette qui nous recevaient dans "so lacaze" habitaient alors Pointe Canon, à la sortie de Port Mathurin. Audrey n'était qu'un "zoli baba" que quelques semaines et elle fête ses 18 ans dans quelques jours.

Revenons au présent et aux cultures du père d'Antoinette. Il cultive seul un grand jardin qu'il a planté en ce moment avec des haricots rodriguais. Ce sont des haricots rouges que l'on appelle "grains" dans les recettes rodriguaises. La récolte de maïs a été faite et les épis sont stockés dans sa cabane de façon très particulière. Benoît a regretté ensuite de ne pas les avoir pris en photos. Les épis, dont on a complètement découverts les grains en rabattant en arrière les poupées, sont attachés par ces poupées à une perche au centre et forment un rond. Ils forment ainsi une succession de cercles concentriques qui s'entassent les uns sur les autres en constituant une tour d'épis de maïs. Il y a plusieurs tours à sécher dans la cabane. Il faut noter que, quand les français mangent du "maïsse", les rodriguais eux mangent du "maï", mais pour finir, ils ont la même chose dans leur assiette ! Dans un enclos vivent une dizaine de cabris. Une femelle dans un enclos à part est encore avec son jeune cabri que notre présence effraie un peu.
Nous repartons, non sans avoir cueilli 4 gros fruits de papaye

1 commentaire:

phéphé a dit…

coucou
petit bonjour d'evreux
tes journées donne vraiment envis d'etre avec toi là bas
gros bisous ophelie