Mardi matin 10 juin 2008 à 7h23
Je continue mes notes sur mes péripéties de voyage sur un petit bloc notes qu'Évelyne vient de m’apporter. Je viens de trier les nombreux coupons de notes dont je dispose désormais et qui s'ajoutent au poids de mes bagages. Je constate que je devrais être dans l'avion entre Maurice et Rodrigues après avoir atterri une première fois à Maurice et avoir patienté une heure environ pour repartir vers Rodrigues et je suis là à poireauter dans cet aéroport que je commence à connaître dans ses moindres recoins. Je suis même passé par les souterrains du terminal B au terminal A, ce qui ne doit pas être très fréquent pour les voyageurs et qui semblait surprendre un peu le personnel qui circulait dans ce souterrain.
Reprenons, j'attendais Évelyne à la gare SNCF. Narcolepsie oblige, plusieurs fois au cours de la journée, je me suis assis pour faire des siestes répétées. C'est ma façon à la fois d'exprimer et de faire face à mon stress. Il ne me reste que 40 minutes avant qu'elle n'arrive. Une dernière petite sieste et je serai en forme pour la recevoir. Je dors tellement et tellement bien que je crois encore avoir une hallucination quand je sens une main de femme me toucher le dos en me tendant mon passeport de l'autre main. Non ! C'est Évelyne. Elle a pris le bon escalator et voyant, de loin, quelqu'un dormir sur un banc, elle m'a reconnu. Si la narco détruit temporairement mes propres repères, elle peut aussi servir de repères … aux autres. Positivons ! Positivons disent les matheux optimistes.
Pourquoi parler de narco ? Ce n'est pas pour en faire une excuse mais pour essayer de comprendre ce qui m'est arrivé.
L'explication simpliste de l'acte manqué ne me satisfait pas entièrement. En premier lieu parce que, dans mes études, j'ai appris avec Monsieur Lantéri-Laura, qu'il y avait toujours plusieurs niveaux d'interprétations possibles et que ces niveaux s'intriquaient à l'infini. Alors pourquoi s'arrêter à un niveau plutôt qu'à un autre ? Pourquoi penser que nous sommes à un terminal freudien (terminal F) alors que le train de nos pensées continuent son chemin (de faire) sur ses rails hypothétiques, heuristiques et erratiques. Ouf ! Les analystes des auto analyses de Freud ont souvent montré que le plus intéressant n'étaient pas les propres analyses du grand maître mais celle des oublis ou des erreurs réelles et objectives qu'il pouvait faire. Cela pouvait changer profondément le sens de ses interprétations. Celles-ci se ramenaient alors à ce qu'elles sont trop souvent : une explication, parmi d'autres possibles, qui tient en général plus du préjugé défavorable ou de la croyance culpabilisante que d'une démarche scientifique.
Certes j'oublie ! J'oublie même souvent ! Ne criez pas "Alzheimer" trop tôt comme des moutons bêlants, pour faire allégeance à l'illusoire et à la sacro sainte pensée médicale unique ! Il n'y est vraisemblablement pour rien ce brave inventeur de la pathologie à la mode. Les études sur le sommeil et la narcolepsie montrent que notre cerveau, celui du maigre troupeau des narcos, de temps en temps, ne possèdent plus le carburant nécessaire pour alimenter ses capacités de faire (et de fer !) attention. Pour faire face, il faut faire attention, une attention de fer, une santé de fer. Je plagie ! C'est le chien qui tourne sur lui-même pour essayer d'atteindre l'impossible : se mordre la queue. Essayez messieurs, vous verrez ! Quant aux dames … !
Bref si… si … ! Je l'avais pourtant préparé et vérifié ce passeport. Je l'avais mis alors en évidence sous mes yeux quand je travaille devant mon ordinateur. J'aurais dû pourtant me rappeler. J'ai demandé pendant plusieurs mois à une amie documentaliste de me renvoyer deux CdRom qu'elle avait fait pour moi parce que je pensais les avoir perdu. Jusqu'au jour où je me suis aperçu qu'ils "traînaient" ou qu'ils "trônaient" – c'est selon ! – sur cette fameuse étagère à 50 cm de mes yeux. Je les avais mis là pour ne pas les oublier, bien sûr ! C'est l'étagère des oublis, heureusement toute petite, mais …
Il n'y a pas eu le déclic nécessaire hier matin et Évelyne n'a pas pensé faire ce qu'elle fait parfois : "oser" me demander si je n'oublie rien. J'écris "oser" car, parfois, je prends mal cette sollicitude, amoureuse peut-être, pourtant nécessaire dans mon cas, mais que je juge alors "infantilisante".
Être handicapé, dans notre société française, oblige presque à toujours solliciter l'aide de l'autre.
Elle en rajoute même parfois. J'ai pu l'observer dans maints endroits publics et dans cet aéroport. Prenez les escalators : cela peut-être pratiques pour les personnes handicapées, sauf que, maintenant, on y rajoute des plots. Cest une protection, soit ! mais pour qui ? Le passage des ces plots rapprochés qui s'avère parfois difficile pour des personnes dites "normales" tient du parcours du combattant pour les personnes handicapées. Bien sûr, s'il le faut, ces plots peuvent se soulever mais il faut "demander de l'aide" pour cela. La solution serait pourtant simple : aménager un seul espace plus grand que les autres, pour faciliter le passage tout en garantissant suffisamment la sécurité des personnes valides. Il faut bien reconnaître que les bureaucrates qui nous pondent de tels aménagements, capables d'emmerder tout le monde, ne sont handicapés que d'une chose : le bon sens pratique que l'on ne retrouve jamais au fond des tiroirs de leur bureau. Voulez-vous un autre exemple ? Ce matin, la nature me demande son dû en matières odorantes. Je me rends donc au petit coin, très bien aménagé dans cet aéroport il faut le reconnaître. Mais pour entrer un seul choix : laisser votre chariot avec vos bagages, dehors, pendant que vous êtes dedans. C'est risqué ! Vous vous voyez courir avec la chose au c… parce qu'une personne "distraite" est en train de "distraire" vos bagages en les prenant pour les siens. Moi non ! Je décide donc, malotru que je suis – les espagnols prononcent malotrou – d'aller dans l'espace large et confortable réservé aux handicapés.
Bien sûr, il existe, mais il est fermé durant la nuit ! Bien sûr, il y a un interphone pour demander de l'aide ! Pourquoi cet espace est-il fermé alors que tous les autres sont ouverts toute la nuit ? Ce doit être cela que l'on appelle la "discrimination positive" : faire davantage attention aux handicapés en les obligeant à s'occuper des valides pour leur demander de l'aide. Je ne poserai pas la question et je ne demanderai pas d'aide, même si je suis atteins de ce que l'on nomme pudiquement "un handicap invisible".
Ma solution : faire entrer un à un mes bagages dans le petit réduit salvateur et laisser le chariot vide dehors.
Une fois dans les lieux, c'est bien connu, il faut toujours vérifier que les papiers sont en règle, je veux dire présents. Les papiers du passeport, s'ils existent sont à déconseiller dans ce cas-là. Vous vous voyez courir après votre voleur de chariot, l'arrière train encombré de la chose qui ne veut jamais se décoller dans cette situation toujours scabreuse, eschatologique et pas très catholique (pardon monsieur le curé, c'est scatologique qu'il faut dire !)
Ouf ! Il était temps ! Mais, une fois installé confortablement, un autre fait pique ma curiosité : c'est la première fois que je vois un double dévidoir de taille différente. Il y a un gros rouleau dont on ne trouve jamais le début qui reste toujours collé à la périphérie interminable du système et un petit rouleau. Le petit rouleau est-il en dépannage quand le gros est vide ou lycée de Versailles ? Y a-t-il un gros rouleau pour les gros culs et un petit rouleau pour les petits culs ? (J'ai du mal à terminer mes phrases, car cela fait deux fois que je sombre dans la narco. J'ai la sensation d'avoir des pensées de rêves ou des hallucinations, Allez savoir ! Mais je n'arrive pas à me souvenir de leur contenu ! Allez debout ! Active-toi Marcel le Narco et dis merci à monsieur Renan Luce.)
Revenons donc, après ces digressions, à ce qui nous intéresse : comment passer la nuit dans un aéroport sans faire de frais ?
La solution est simple : rester dedans ! L'hôtel n'est pas confortable mais il est gratuit. À nous voir tous les deux ainsi assis ou assis ainsi, selon votre choix, je viens à me souvenir de l'émission radiophonique d'un certain Raymond Souplex avec une certaine Jeanne Sourza (!??) je crois. L'émission s'appelait "sur le banc" : ils y faisaient part de leurs réflexions à la fois humoristiques et désabusée, amusées et amusantes sur les vicissitudes de leur monde.
Comme un bateau à la dérive, chacun prend son quart de veille. Je dois avouer qu'Évelyne est beaucoup plus souvent de quart que moi. Un bon quart dépassé de plusieurs demis ! Garçon remettez nous cela ! Évelyne se pose une question d'importance pratique : comment font les personnes que nous voyons pour s'allonger sur les rangées de fauteuil avec les accoudoirs au milieu. C'est un mariage acrobatique et contorsionniste entre les excroissances métalliques et les creux et les bosses des personnes. Pour fréquenter les aéroports, il est donc plus pratique d'être anorexique que bien enveloppé.
Bien que le bar, la Pomme de Pain, soit fermé en théorie, la serveuse qui finit de nettoyer, accepte de me servir un simple jus d'orange. Voilà, je lui fais de la pub gratuite en remerciement. Ce sera mon seul repas du soir. Évelyne ne veut rien ! Le stress et la fatigue occasionnés par les problèmes que je lui pose lui coupe l'appétit.
J'ai de nouveau en écrivant ces mots des accès narcoleptiques et des rêves bizarres : Un serveur se précipite vers des clients du bar en criant "Dieu !" et en se nettoyant en vitesse les mains à son tablier blanc. J'ai déjà oublié ce que faisaient ces clients mais je "sais" qu'ils faisaient quelque chose de bizarre. Tout cela ne dure que quelques secondes et je me remets à écrire.
À mon dernier réveil ce matin du mardi 10 juin 2008, à 4 h 45, je peux me croire transporter en Espagne. Les bancs autour de nous sont tous occupés par des personnes qui parlent espagnols. Je suis leur conversation, car c'est la langue étrangère que je connais le mieux, l'ayant pratiqué durant mes études pendant 7 ans. Non ce n'est pas une hallucination, c'est bien la réalité ! "Dur ! Dur d'être narco !"
À 5 h 05, le bar la Pomme de Pain ouvre ses portes. La pub est toujours gratuite ! Les espagnols envahissent. La question est à creuser : les invasions étrangères ont-elles suivi la route des bars et du café ?
Départ d'Évelyne
Puis nous allons, Évelyne et moi, de nouveau vers la gare TGV. Pour ne pas risquer de payer encore de taxe pour surpoids de "bagages à main sur roulettes ", nous nous installons dans un endroit à l'écart du passage et je me déleste encore du disque dur externe que j'avais emmené pour stocker mes vidéos. Il pèse matériellement en kilos et hypothétiquement en euros. Je me déleste des octets superflus. Cela me fend le cœur de les laisser partir. Je ferai dire une messe d'octave pour ces défunts octets ! Non je ne suis pas Octave l'octogénaire qui joue à l'octave sur ses octets ! Je suis Marcel le narco ! Mettez le cerveau d'un narco en état de grand stress, il entre aussitôt en ébullition bouillonnante, excessive, mais heureusement temporaire et non dangereuse pour sa survie !
À vrai dire, ce sont surtout les livres qui pèsent. La science livresque a du poids ! Je n'aurai pas dû sacrifier ma veste à poches multiples ce matin. Au moins j'aurai pu me barder le corps des livres les plus pesants, en bon breton que je suis, les bardes ça me connaît. Mais il est trop tard ! les regrets sont superflus et les messes du souvenir à ranger au placard des idées moribondes.
Il me tarde d'entendre Benoît dire, en allongeant son corps sur sa chaise longue, le soir sous la varangue et en dégustant son rhum arrangé à la bangélique : "Ah que la vie est dure !". Dieu que le son du cor est triste le soir au fond des bois et Dieu qu'il me tarde d'être à la résidence Foulsafat à Rodrigues.
Évelyne repart tôt pour prendre le RER qui l'emmènera à Montparnasse où un train l'attend à 8 h 30, malgré la grève. Il est 10 h 12 quand j'écris ces lignes ; elle doit être arrivée à Nantes… J'espère… ma pensée la suit.
Étant à la gare de Charles, j'attends ! Excusez-moi, je n'ai rien d'autres à faire.
Embarquement en vue !
Ouf ! Ça y est ! Mon café est pris, toujours à la Pomme de Pain ! Mes médocs aussi ! L'embarquement électronique est fait… Le surpoids est passé comme une petite malle dans la zoute ! Ceci fait toujours penser, après-coup : "j'aurais pu en mettre davantage… finalement. Le "toujours plus haut" de la chanson se transforme en "toujours plus gros !" Dangereux leitmotiv et dangereuse tentation à l'obésité qui guette tous les boulimiques du risque et de la frontière à truander.
Depuis hier matin, je ne compte plus le nombre de café, solitaire et non accompagné, que j'ai ingurgité. À ce régime d'anorexique, je vais bientôt me mettre à planer, ce qui est le propre des états de jeûnes plus ou moins vieux ! Le jeune qui jeûne peut gêner ses gênes dit le génois, sans gêne, au grand foc ! Mais dans l'immédiat la pensée paranoïde, différente de la paranoïa (diraient en chœur, mes amis psys) c'est de ne pas se faire voler en surveillant le reste de mes bagages à main que l'on traîne maintenant à roulettes. Notre vieux langage a du mal à suivre les évolutions et les subtilités des appellations des progrès techniques. J'ai mis de côté toutes les cartes, maintenant obsolètes et qui grossissaient mon portefeuille quasi inutilement. Identité illusoire d'un monde robotisé, Adieu ! Nouvelle vie me voilà… bientôt !
Je reprends mon papier et mon stylo, car l'aventure n'est jamais fini ! Cette fois-ci, je n'y suis pour rien !
Mon passage d'une douane pour la 29ème fois où je prends l'avion et les 10 pays étrangers où j'ai pu aller, ne s'est jamais aussi bien passé. J'ai tellement peu voyager que je peux encore compter le nombre de mes voyages. Alzheimer où es-tu ?
Des messieurs fort polis et des dames très gentilles et très bien mises, tous et toutes m'ont très bien appris et j'ai utilisé pour la première fois un billet électronique. Je ne peux malheureusement pas choisir une place près d'un hublot, Elles sont toutes prises déjà. J'en choisis une au centre en bordure de l'allée. L'employé au comptoir me l'a bien redit, plusieurs fois, il a même entouré le numéro au feutre rouge : je dois me rendre à la "gate" F56, la salle d'attente et la porte F56. Facile ! Tant de sollicitude devrait me paraître suspect, cela cache-t-il un piège ?
Il est 12 h 30, je n'ai même pas eu de contrôle de mon "bagage à main sur roulettes" avant de le passer au scanner, pour me délester de tout ce qui serait interdit. Le portique que je passe ne sonne même pas. Cela me surprend agréablement, habitué que je suis à être toujours à la frange de la norme. Peut-être suis-je en train de devenir "Le" voyageur lambda. Je m'installe confortablement dans la zone F56 encore peu occupée, calme et silencieuse. Je me mets à lire et pendant que je lis le temps m'échappe toujours. Une chose me turlupine cependant : l'écran d'affichage ne parle que de l'avion pour Shanghai à 15 h 55. Même si le départ pour Maurice n'est qu'à 16 h 15, cela ferait court entre les deux. L'atmosphère est toujours calme et silencieuse dans cette salle d'attente. Je me lève dans l'intention d'aller faire un tour voir les boutiques de Duty free, mais je téléphone à Évelyne auparavant, pour la rassurer. Tout va bien ! Le bureau d'accueil étant pour une fois totalement désert – j'ai horreur d'attendre à un guichet – je vais m'informer.
"Ce n'est pas le F56 mais le F54".
Je réponds à l'employé que j'ai ma carte d'embarquement du matin pour le F56. "Cela a changé depuis" me répond-il laconique. Je m'installe en F56 et, heureuse surprise, j'entends enfin parler créole. Les mauriciens sont d'incorrigibles parleurs ! Quel plaisir !
A l'instant, les hauts parleurs et les écrans annoncent que notre vol prévu à 16 h 15 est reporté à 16 h 30. "Tout est pour le mieux" dirait le professeur Panglosse à Candide, mais je ne suis pas encore parti.
Je vous en conjure, si vous avez horreur des suspens et des drôles d'aventures, ne voyagez pas avec moi.
"Partir ! oh partir !
"Je sens que des oiseaux sont ivres d'être parmi l'écume inconnue et les cieux !"
"Steamer, balançant ta mature, lève l'ancre pour une exotique nature !"
"Mais peut-être les mâts annonçant les orages"
"sont-ils de ceux qu'un vent pousse vers les naufrages ?"
"Perdus, sans mât, sans mât ni fertiles îlots."
"Mais oh mon cœur entends le chant des matelots."
Enfin dans l'avion.
Je suis assis près d'un jeune couple qui ne connaît pas le français, mais parle correctement l'anglais à l'hôtesse. Entre eux, ils semblent parler une langue slave. Nous n'aurons aucune relation entre nous, à part le fait de les laisser passer une fois pour un tour dans l'avion.
Ce mercredi matin, situé entre deux fuseaux horaires, il ne reste plus que 38 minutes de vol pour 450 km à parcourir. Il est 5 h 00, heure locale et nous atterrissons à 5 h 38, heure de Maurice. La température extérieure est de -48° Celsius soit 54° Fahrenheit. L'altitude est de 11 277 mètres soit 37 000 feet. 22° au sol sont annoncés à Maurice. Parmi tous ses chiffres, il y a une chose que je ne comprendrai pas. En théorie, j'ai donc presque une heure et demie d'attente pour l'avion de Rodrigues prévue à 7 H 00.
Nous avons durant la nuit, survolé la chaîne des Alpes, longé la botte italienne par l'Ouest, passé entre la Sardaigne et la Sicile, atteint la côte égyptienne en survolant la vallée du Nil et les pyramides. Puis c'est Addis Ababa, Nairobi, Dar es Salam. Plusieurs fois au-dessus de l'Afrique, le signal de boucler sa ceinture a retenti et on sentait l'avion secoué, comme pris en main par quelque force énorme qui s’amuserait avec lui. Nous avons commencé à survoler l'Océan Indien à hauteur Nord Ouest des Seychelles, survolé la pointe Nord Est de Madagascar pour arriver bientôt à l'aéroport de Maurice, à Mahébourg, avec un temps légèrement nuageux et couvert dit le commandant de bord. Il ne fait que 22° au sol.
La nuit n'a pas toujours été calme
Un jeune garçon, Aurélien, de 2 ou 3ans que j'avais déjà remarqué à l'aéroport pour sa turbulence, s'est comporté comme un horrible gamin tel qu'on ne sait en faire que dans les plus mauvais films américains. Sa grande sœur, est par contre une jolie demoiselle au sourire adorable, aux grands cheveux noirs et aux yeux sombres et rieurs. Plusieurs fois, ce jeune garçon est venu me cogner le bras, alors que je me reposais et que sa mère lui demandait de rester tranquille. Celle-ci, une jeune femme d'origine mauricienne, vient prendre quelques vacances en amenant ses enfants voir leurs grands parents. Ceci semble exciter son jeune fils s'excuse-t-elle en parlant à d'autres personnes. Elle restera toujours calme, sans élever la voix. Elle restera ferme, sans pour cela être totalement obéi de son jeune fils excité et décidé à être le plus désagréable possible. À un moment de la nuit où il dormait enfin calmement dans les bras de sa mère, celle-ci a voulu le déposer dans un fauteuil vide derrière elle, sans doute pour se reposer un peu elle aussi. Il s'est alors réveillé et ce furent pendant 20 minutes, contorsions, pleurs et cris que sa mère essayait de contenir en le tenant contre elle. Il a fini par céder de nouveau au sommeil. Ce matin il est calme et réveillé dans les bras de sa maman.
Au bruit des aérofreins succède maintenant le calme de la descente et les lumières de l'île Maurice grandissent au loin. Voilà, l'avion a touché le sol. Il est 5h45 et il fait toujours 22° annonce le commandant de bord. Quelques applaudissements se font entendre. Il ne me reste plus qu'à attendre l'avion de Rodrigues. Vous ai-je dit que la poignée rétractable de mon bagage de cabine m'a réservé une mauvaise surprise à sa façon. En tirant dessus pour entrer dans l’avion, l'une des branches est sortie de son logement et refuse obstinément d'y retourner. J'ai donc tout enlevé. Je réparerai cela plus tard avec le outils adéquats ou plutôt à Rodrigues. Je sais maintenant ce que c'est la coïonnerie (selon le mot de Voltaire) d'avoir une valise sans poignée.
Aurélien recommence des contorsions aussitôt que l'avion s'est arrêté. Il s'allonge sur le sol jonché de tous les jouets qu'il a éparpillé devant le siège de sa maman qui prépare ses affaires.
L'avion est à peine arrêté que le commandant de bord donne ses consignes et ajoute "Monsieur Rousseau Marcel est prié de se présenter auprès du personnel au sol." L'avion a pris du retard et l'avion de Rodrigues part à 7 heures, je n'ai donc qu'un temps assez court pour toutes les formalités et une hôtesse se charge de me faire passer les contrôles le plus rapidement possible. Je suis donc le seul passager venant de France a continuer aussitôt sur l'île Rodrigues. L'efficacité et l'amabilité des hôtesses mauriciennes sont bien connues et non usurpées. Je me retrouve rapidement dans la salle d'attente pour Rodrigues, une fois les formalités rapidement expédiées.
En route pour Rodrigues
L'ATR 75 a rapidement pris de la hauteur et, pratiquement pendant tout le temps du voyage, a survolé plusieurs couches de nuages blancs. Chacune semble glisser à vitesse différente des autres et parfois dans une trouée, la mer, dont le sommet des vagues moutonne, se laisse apercevoir. La traversée aurait été un peu chahutée si j'avais pu prendre le bateau. De là-haut, le vol se passe sans incident. Au loin, on dirait que se profile une énorme falaise blanche comme si nous nous dirigions vers les banquises de l'Antarctique. Le temps de prendre une petite collation et l'avion replonge sous les nuages pour se préparer à atterrir.
C'est toujours un réel plaisir que de revoir Rodrigues après un long temps d'absence. Comme je suis placé à gauche de l'appareil, c'est d'abord l'ourlet blanc des brisants du lagon que j'aperçois. Puis l'île Cocos apparaît verte, enchâssée dans la collerette aux contours précis et clair de la plage continue qui l'entoure.
Sa petite sœur, l'île au sable fait pâle figure à côté d'elle. Un virage et nous voilà dans l'alignement de la piste. Le bout de l'île de plaine Corail est exceptionnellement vert. J'ai plutôt eu l'habitude de voir grise et rocailleuse cette partie au sol calcaire et ingrat de l'île. Les pluies de ces derniers jours ont été bienfaisantes. Les formalités à Rodrigues méritent bien leur nom, elles s'expédient sans problème et dans la tranquillité. Rodrigues porte en elle, à jamais je l’espère, ses qualités de calme, presque de recueillement.
Benoît et Antoinette ne sont pas à m'attendre comme je le pensais. Que se passe-t-il ? Charles est loin, mais j'attends sans m'inquiéter. Un premier taxi me demande s'il peut m'aider. Je réponds non. À la deuxième personne, je réponds que je vais chez Benoît Jolicœur. "à Jean Tac reprend-il". A sa réaction, je me dis qu'il connaît bien Benoît et Antoinette. Il reviendra quelques minutes plus tard, avant de partir avec une autre personne pour me dire. "Benoît Jolicœur a pris du retard, mais il est en route, il arrive." De fait, son 4X4 débouche quelques instants plus tard : il revient d'un enterrement de la maman d'un élève de Camp du Roi où intervient Antoinette. après les embrassades, il me dit qu'il est surpris que cet avion arrive aussi vite. Le voyage n'a duré qu'une heure et 10 minutes. La personne qui m'a renseigné est Sylvestre que je n'ai pas reconnu. Est-ce par le fait qu'il me semble avoir maigri et être devenu un homme mur et à l'allure élégante. Ce n'est plus le jeune au sortir de l'adolescence qui se lançait alors dans la vie que j'ai connu il y a maintenant plusieurs années. Lui m'avait reconnu et voyant Benoît absent, lui avait téléphoné discrètement pour lui indiquer que j'étais déjà arrivé. C'est ainsi, sans m'en dire la raison qu'il a pu me renseigner sur le retard de Benoît. Je me sens heureux, fatigué et las d'être là, enfin à bon port. Tout au long de la route qui longe l'épine dorsale de Rodrigues, je retrouve l'île, mon île que je m'accapare, sans vergogne, pour moi tout seul.
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2 commentaires:
Duimanche 15 juin,
dans la série Charcastik en vadrouille tu en fais de belles!... Cela prouve que j'ai bien trouvé ton message m'indiquant le lien du blog... Je suis rentré de paris hier après avoir assisté à une réunion les technologies nouvelles au service des maladies rareb au groupama... Quelques idées intéressantes, mais c'était surtout azxé sur la promotion de certains produits pronés par orphanet!...
Ton blog est super, j'ai beaucoup ri en le lisdaznt... Tu es un narrateur de première (il me semble, d'ailleurs et forcemment d'autre part te suivre d'assez près... la modestie n'a jamais été mon fort...quoique!)
Je te mets ce mot rapidos pour te dire que je pense à toi et également te dire que je suis un enfoiré: je ne t'ai, même pas appelé avant ton départ...Le coeur y était, j'étais plongé dans la torpeur orageuse de la chalosse et noyé dans la modification des statuts.... J'en pré"pare des belles! Je t'enverrai cela dès que possible...
Allez... bon café, bons crustacés, bons p'tiots coups,bonjour à cette famille que je connais pas physiquement mais virtuellement: tu m'en as beaucoup parlé!
Amitiés du p'tiot chalossais, c'est l'heure de l'apéro, à la tienne mon Grand,
amicalement
Alain
Tu as du te tromper
l'aeroport Gaetan Duval c'est celui de Rodrigues
Celui de Moris c'est le nom du pere de la nation Sir Seewoosagur Ramgoolam
Je peux enfin mettre des commentaires Bisous MCT
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