Jeudi matin 19 juin 2008 : déjà 8 jours que je suis là.
J'accompagne Benoît à la cueillette du café. Au lieu de passer par le centre de l'île, nous essayons de passer par Baladirou qui permet déjà de raccourcir le voyage de plus de la moitié du temps alors que les travaux ne sont pas finis. Un rapide coup d'œil des hauteurs de la Baie pour vérifier que, en face de l'autre côté de la baie, les travaux dans les falaises ne vont pas nous empêcher de passer et nous abordons la descente puis le premier virage, face à la plage. Un bruit bizarre, à l'avant du 4X4, nous alerte. Le pneu avant droit est crevé. Cela se passe là, juste à l'endroit où, en 1998, j'étais venu dégager le cœur d'un grand palmier abattu par le cyclone de la nuit.
Benoît était alors ministre de l'île et il était revenu très vite dans "so lacaze" pour me demander si je pouvais extraire le coeur du palmier. Une expérience nouvelle à tenter, vous me connaissez, je suis partant car, rien, sauf moi-même à l'occasion, ne me fait peur. Nous étions partis toute la famille pour voir le spectacle de désolation que le cyclone, heureusement peu violent cette nuit-là avait laissé, en passant à environ 150 km de l'île. Durant mon travail avec les outils du bord, machette et hachette, Bertrand, alors jeune, se mettait toujours en face de moi pour bien regarder ce que je faisais. Un mauvais coup du sort et la hachette qui se démanche ou s'échappe de mes mains, il était dans la bonne direction pour la recevoir. Je lui explique donc le danger calmement, une première fois, gentiment, une seconde fois puis excédé, une troisième fois, je lui crie "Bertrand ! Dégage sur la plage ! Cette phrase le poursuivra longtemps.
Pour l'heure, il faut changer de roue. Le bricolage mécanique n'est pas le fort de Benoît et il demande au téléphone à Fred de venir nous aider. La roue de secours et le matériel sont bien là, je commence le démontage. Mais quand il s'agit de trouver comment enlever la roue de secours de son logement c'est une autre histoire. Il y a une astuce que nous n'avons pas le temps de trouver ! Fred arrive juste à ce moment-là sur sa moto. Le pneu est remplacé et le pneu crevé par un gros clou est placé sur la plateforme arrière. Nous repartons.
Nous nous arrêtons au bord de la route à Dans Bébé, le jardin du père d'Antoinette est juste dans la vallée au-dessous de nous à environ 500 mètres à pied. Le soleil brille, le panorama est magnifique, je filme. Un petit "ki manière" en passant et nous remontons vers le "carreau café" de Benoît à Vainqueur. Les mauriciens utilisent ce mot pour désigner un jardin, mais les rodriguais ne l'utilisent qu'accompagné de la désignation de ce qui est planté, jamais seul. Il y a donc les carreaux café, les carrés maï, les carreaux manioc etc. …
Pendant que nous faisons la récolte du café Benoît propose le projet d'un film sur le sujet. Benoît n'oublie jamais qu'il a été journaliste à la MBC (Mauritius Broadcasting Company), la télévision mauricienne. Le reportage est sa passion. Maintenant, en tant que réalisateur, il a déjà fait deux films. L'un "Baba", sur un planteuse rodriguaise a même été distingué lors d'un festival. Il vient d'en terminer un autre sur la constitution de la chapelle de Brûlé en église et sur les changements que cela a opéré dans la communauté des villages concernés.
Après-midi :
Benoît est parti à une réunion de travail, je réponds à mes courriels et je fais ma sieste. Je suis réveillé par la voix d'Antoinette qui range à côté de l'escalier près de ma chambre. Elle discute avec une autre personne dont je ne reconnais pas la voix mais j'aime entendre l'accent traînant et chantant à la fois de Rodrigues ! C'est un régal pour mes oreilles de musicien. Les conversations sont une mélodie permanente. D'ailleurs des chansons, nous en aurons ce soir. Des amis viennent manger et chanter dans la famille Jolicœur.
Pour l'instant, je vais continuer le montage de l'électricité. Avec Antoinette, nous mettons une ampoule, ça marche ! Hourrah ! Bertrand appuie sur le bouton en haut de l'escalier et l'ampoule grille en faisant sauter le disjoncteur. Je fais ce que j'aurais dû faire depuis le début, je dessine les plans d'un va et vient et je regarde comment l'installation a été faite. Je ne devrai jamais me fier seulement à ma mémoire. Elle me joue tellement souvent des tours, je le sais, mais j'oublie. Heureusement, je comprendrai l'erreur que j'ai faite, à cause d'une astuce lors du montage initial par le professionnel. Il s'est servi de ce qui devrait être le fil de terre pour brancher l'une des phases. Moi j'ai bien mis le fil de terre à la terre ! Le professionnel n'avait pas d'autre choix, moi si, du fait de mon ajout d'un fil à trois brins pour aller à l'applique. Tout sera prêt pour le début de la soirée chanson, mais je n'ai pas fait tout ce que j'avais projeté de faire.
Participer à une soirée chanson à Rodrigues est un moment de joie et de convivialité qu'il ne faut surtout pas rater. Les rodriguais sont des musiciens dans l'âme et les rythmes du séga sont rapides, vifs et endiablés. Deux instruments au début, pour accompagner les chanteurs : la guitare de l'un des convives et l'orgue de Bertrand. D'autres instruments de percussion, réels ou improvisés vont se joindre aux deux musiciens pour ponctuer le rythme : tambour, sorte de maracas sud américain, bouteille et couteau. La soirée commence par des chants français et anglais que le guitariste connaît bien. Bertrand accompagne à l'orgue dont il sait varier intelligemment les multiples possibilités. Au cours de la soirée, Nigel commence un air rodriguais que Benoît reprend. Vont se succéder alors tous les "standards" des mélodies rodriguaises, ponctuées des grands éclats de rire de Benoît ou de Nigel. La raison des éclats de rire semble difficile à comprendre pour un couple de français qui fait partie des invités, mais ce qui est sûr c'est que le rire est communicatif et tout le monde rit et reprend en chœur les refrains. Le rodriguais, comme sont nom l'indique, est "joyeux" !
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